1989
Pour moi, c'est une année maudite ! De toute façon, comme dit mon épouse, il ne faut jamais regretter le passé. Eh bien voilà : au milieu du printemps, je reçois un coup de fil très, très surprenant. Mon interlocuteur me dit textuellement : Monsieur, si vous, vous avez de l'argent, vous l'avez gagné ! Mais moi, Monsieur, sachez que je suis né dans un berceau doré et je suis acheteur de votre entreprise ! Je suis celui qui peut vous en proposer le plus, et sachez que quoi qu'il arrive, je surenchérirai. Au tout début, j'ai cru à un gag. Mais très vite je me suis aperçu que mon interlocuteur ne plaisantait absolument pas. Un pareil discours m'a mis mes neurones en ébullition. Première erreur, j'ai cherché à connaître la valeur de notre entreprise. Très vite j'ai eu quatre propositions, dont deux sortaient du lot. Ce « Crésus » et Fisons Angleterre. « Crésus » criait haut et fort qu'il garderait l'entreprise telle qu'elle était, et souhaitait que je reste dans la holding qu'il allait créer. En réinjectant une partie du fruit de la vente je me retrouvais actionnaire à la hauteur de 20 %. Et surtout, chose intéressante, il proposait une direction collégiale (« Crésus » aux finances, son copain au commercial, moi-même aux grandes plantes et à la communication).
Quant aux Anglais qui m'avaient fait comprendre que malheureusement, ils allaient démanteler l'usine. Je n'ai pas pu accepter. Pourtant j'avais de belles propositions qui me propulsaient aux États-Unis. Ils m'offraient un pont d'or pour que j'aille faire les grandes plantes outre Atlantique, et ça, c'était tentant. Difficile pour moi de démanteler l'usine, si bien que je ne donnais pas suite.
Finalement j'ai accepté la moins bonne proposition qui proposait cette direction collégiale.
Eh oui, « Crésus » était revenu à la charge avec sa proposition de direction collégiale, encore plus élevée de 20 %. Deuxième erreur, j'ai fini par l'étudier. Après bien des tracas et des retournements, pour partie due à un « conseiller » complètement véreux qui, sous un autre nom, faisait partie du même cabinet, que les acheteurs : nous finissons par signer la vente de la société en décembre.
Mais dès le lendemain de la signature, sans la moindre motivation, « Crésus » me faisait savoir : Nous sommes désolés, mais avec mon copain nous avons décidé qu'il n'y aurait pas de direction collégiale. Nous respecterons notre accord sur le plan financier, mais vous pouvez rentrer chez vous : vous n'êtes plus obligé de travailler.
Après avoir encaissé le coup, j'ai donc demandé un document afin de valider leur revirement, mais ils ont refusé : prétextant que vis-à-vis de leur banquier c'était impossible. Faute de document, étant contractuellement dans l'obligation de rester, un calvaire allait commencer.
Voilà comment, trompé, humilié devant mon ex-personnel, j'ai passé 6 mois dans le plus petit bureau à ne rien faire. Il m'est difficile de raconter en quelques lignes ce que j'ai dû supporter ...
J'y ai mis des tas de d'anecdotes surprenantes dans mon livre... si toutefois on peut appeler cela anecdote. Il faut savoir que depuis bien longtemps, Crésus ne se trouve plus dans cette société que j'estime beaucoup.